Inventez-vous une vie sur écran
Encore aujourd’hui le jeu vidéo sur smartphone est quelque chose de moyennement populaire et, hormis quelques phénomènes, beaucoup de bons jeux sont voués à la confidentialité. Pourtant, en quelques années de nouveaux genres se sont exportés sur nos compagnons de poche et deviennent de véritables phénomènes auprès les initiés. Parmi eux, les jeux de rôle.
Encore
peu considéré par les joueurs professionnel, le smartphone attire
plutôt les fans d’un genre précis ou les personnes qui, jusqu’à
présent, ne jouaient pas et ont désormais trouvé un moyen de
passer le temps en éclatant des bonbons sur leur écran. Ainsi, les
jeux les plus cotés sont des jeux d’arcade, d’énigmes ou des
pay to win classiques au milieu desquels émergent, pour le meilleur
ou pour le pire, des adaptations de jeux PC ou consoles. Isolés du
reste, les jeux de rôle ont fait une timide apparition mais
demeurent ancrés à un public restreint. Mais au fait,
c’est quoi un jeu de rôle ?
Qu’est-ce qu’un jeu de rôle ?
Définir le jeu de rôle, ça devient de plus en
plus compliqué. A la base de la base, on peut dire que c’est
presque comme du théâtre : on fait semblant d’être une
personne que l’on n’est pas. En soi, rien n’interdit d’y
jouer totalement seul avec soi-même mais, outre le fait d’être
franchement flippant, c’est surtout assez limité. Du coup, on y
joue plutôt en société.
Le cliché du genre, c’est les jeux types
Donjon & Dragon qui immergent les joueurs dans un monde
médiéval-fantastique à la Seigneur des Anneaux ou chacun
joue un aventurier. Ces jeux se jouent souvent avec des livres de
règles, dans des mondes plus ou moins réalistes et variés et
laissant plus ou moins les joueurs contribuer à l’élaboration du
monde. Bien-sûr rien n’empêche de créer son propre jeu de rôle
sans livre de règles, sans jeter de dés et sans le moindre
accessoire.
Face à cela s’est tout de même développé un
système de jeu de rôle en solitaire : les Livres dont vous
êtes le héro qui consistent à lire une suite de chapitres
finissant chacun par une série de choix possibles vous renvoyant
vers un chapitre précis. Ainsi, au sein d’un même récit sont
présents plusieurs scenarii alternatifs dont la fin dépend des
choix du lecteur.
Les jeux de rôles virtuels
Dès les années 1990, les jeux de rôles ont
débarqué en masse sur ordinateur. Certains ont essayé d’adapter
les jeux de rôles de société comme Donjon et Dragons, recréant
un monde très ouvert en 3D où le joueur évoluait de la manière
qu’il voulait (même si un scénario de base était prévu), en
progressant grâce à des quêtes secondaires parsemant le jeu et qui
lui permettaient de découvrir tout l’univers des créateurs. Un
exemple emblématique serait Neverwinter Nights, adaptation de
Donjon & Dragons.
D’autres ont préféré adapter les Livres
dont vous êtes le héro en conservant un scénario central fort
et agrémenté de petites missions secondaires. Le joueur peut
toujours faire des choix qui modifieront alors l’expérience de jeu
mais pas l’ensemble de la trame narrative. Ainsi, il pourra choisir
de jouer un bon flic négociateur ou un mafieux pété de flingues
qui fonce dans le tas, mais le but final du jeu l’obligera à
avancer dans l’histoire de la même manière, que ça soit en tuant
tout le monde ou en protégeant la veuve et l’orphelin. Un des
exemples les plus connus de ce type de jeux est la série Deus Ex
mais on peut également citer Bioshock qui est tout aussi
sombre et populaire.
Les jeux de rôles massivement multi-joueurs
Reprenez un monde ouvert, une grande quête très
vague et presque irréalisable bourrée de missions annexes, la
promesse d’une progression sans fin à un rythme effréné et une
connexion internet pour ne pas perdre contact avec vos potes et vous
obtiendrez des références : Dofus, World of Warcraft,
Wakfu, Guildwar, Star Wars : the Old Republic et bien
d’autres. Ces jeux n’ont pas trop changé d’esprit par rapport
aux premiers jeux de rôles virtuels, à la différence près qu’ils
ne sont pas conçus pour être finis et qu’ils permettent de jouer
avec des personnes du monde entier. Si l’esprit jeu de rôle s’est
quelque peu perdu dans la mécanique du jeu pour toucher un plus
vaste public, les passionnés n’ont pas hésité à y apporter
leurs propres règles. Ainsi, sont nés des serveurs role play
dont le seul but et de jouer en s’y croyant vraiment, sans chercher
la performance ou la réussite du jeu : là on incarne son
personnage.
Il faut
quand-même préciser que ces jeux, les MMORPG (Massively
Multiplayer Online Role-Playing Game),
sont aussi d’énormes succès commerciaux. S’ils sont
réalisables, c’est parce qu’ils ne sont pas finis dès leur
sortie et évoluent constamment au fil de mises à jours. Par
exemple, le jeu Dofus
était la quête par
les joueurs de 6 œufs de dragons (les… Dofus), lesquels
n’existaient pas tous à la sortie du jeu ! De même, les jeux
comme Word of Warcraft
et Star
Wars : the Old Republic,
qui ont pris le parti de créer
un véritable monde, voient la taille du monde jouable d’agrandir
chaque année avec de nouvelles mise à jour et même le contexte
politique du jeu change ! Les joueurs sont invités à lutter
ensemble contre telle ou telle menace ou encore à prendre parti dans
un conflit. Mais comme tout ce monde est accessible moyennant
paiement… bref, vous aurez compris de quoi il est question.
Et les smartphones dans tout ça ?
Mettons
d’emblée de côté les adaptations de RPG des années 90 ou du
début des années 2000 (Planescape,
Shadow Run, Star Wars : Knights of the Old Republic ou
encore Final Fantasy).
Ils sont
plutôt bons et la taille d’un smartphone permet de compenser leur
basse qualité d’image, mais il n’apportent pas grand-chose de
nouveau en soi.
De plus en
plus présents sur smartphone,
les MMORPG effaçaient de plus en plus l’esprit des Livres
dont vous êtes le héro
des mémoires, mais
des développeurs visionnaires ont réussi à déterrer le concept
pour l’adapter à nos compagnons de poche. Sauf que la chose est
bien plus réaliste que ce que
l’on connaissait avant,
le jeu se veut immersif : ici il n’est plus question de jouer
avec des amis mais bel et bien de croire qu’on entre dans une
nouvelle vie. Pour ce faire, ces jeux prennent la forme d’une
messagerie de smartphone, comme nous en connaissons tous, et nous
invitent
à discuter avec un personnage virtuel. Certains assument directement
d’y instaurer une ambiance (enquête policière, thriller, horreur)
mais d’autres souhaitent faire primer le réalisme en proposant au
joueur, par exemple, un jeu de séduction sur smartphone agrémenté
de réflexions sur
la vie (Seen de
Polychroma Games) ou déviant carrément vers une histoire glauque
(FriendZoné I & II
de Purple
Tear). D’autres jeux dépassent la simple messagerie pour simuler
carrément l’existence d’un téléphone avec ses applications,
ses photo, etc. On citera, pour les amateurs de frissons, les jeux
qui vous mettent en scène face à votre smartphone piraté par un
dangereux psychopathe (Hooked
de Telepathic ou Sara
Is Missing de Kaigan
Games OÜ) et, enfin, ceux qui vous placent face à smartphone trouvé
ou volé mais qui sont porteurs d’un précieux message qui changera
votre vision du monde (A
Normal Lost Phone de
Playdius Entertainment).
Pour
les amateurs du genre, ces jeux pourraient devenir un véritable
phénomène puisqu’ils permettent de jouer sans connexion et sans
être dépendant d’autres joueurs. En effet, du point de vue de
l’amateur, le problème de certains MMORPG est d’ouvrir l’accès
à des joueurs qu’on pourrait qualifier de profanes. Les MMORPG sur
smartphone ont même fini par être vérolés de personnes uniquement
présentes pour draguer en ligne (chacun sa méthode, hein?). Mais à
l’heure où le smartphone est un bien de consommation que certains
enfants possèdent dès l’école primaire et que la réalité
augmentée se répand, d’autres risques se présentent. Surfant sur
la vague du jeu russe Blue
Whale qui va jusqu’à
pousser des personnes au suicide (ambiance),
des développeurs pourraient avoir l’idée d’agrémenter leurs
applications de défis de plus en plus réalistes (se rendre à une
position, scanner un code quelque part, télécharger un ficher
supplémentaire, contacter une personne, etc) qui, suivant
l’expérience de Milgram, pourraient aboutir à l’instigation
d’infractions.
Évidemment,
il n’est pas question ici de dresser une scénario catastrophe,
mais l’expérience a
montré
que le jeu de rôle avait déjà eu de graves répercussions.
Certains joueurs, rentrant un peu trop dans la peau de leur
personnage, ont commis des
infractions, des viols, des tentatives de meurtre ou de suicide, il
faut le dire. Bien-sûr, ce sont des exceptions incroyablement rares,
mais elles datent d’une époque un jeu vendu à 5000 exemplaires
était un succès planétaire… qu’en serait-il dans un monde où
une application gratuite et téléchargée plusieurs centaines de
milliers de fois ?
Donc c’est mal, en fait ?
Non, pas par
défaut. Jusqu’à présent aucun scandale a éclaté. Toutefois, il
pose la question de la facilité d’accès à certains contenus pour
des jeunes personnes influençables et, parfois, en quête de défi
ou de reconnaissance. Après
tout, qui, adolescent, n’a
jamais cherché à se faire remarquer de manière parfois dangereuse
ou transgressive ?
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